Raymond VAN DEN ABBELE - Soldat - Matricule 3538

3e Compagnie - 5e Peloton

 

 

 

 

Sdt Van den Abbele Raymond
3e Compagnie - 5e Peloton d'Assaut
Matricule : 3538

 

 

 Raymond Van den Abbele avec le 5e peloton d’assault à Lowestoft en juin 1944.

 

« Comment Raymond fut tué le 24 août 1944 à Vasouy »

 (extrait des souvenirs de guerre 1940-1945 par le Sgt. Pierre Dufrane)

 

Vers le soir du 23 août 1944,  nous bordons la rivière Toucques,  le pont entre Deauville et Trouville a sauté et deux soldats belges ont été tués,  il s’agit des soldats Rouche et Fournier,  le nouveau pont s’appellera désormais le pont des belges.

 

La Brigade Piron à Deauville-Trouville.

 

Le lendemain,  le Colonel Piron donne l’ordre à la 3e compagnie unité motorisée de reprendre la progression,  nous démarrons vers 8h30 sous une petite pluie fine et nous nous couvrons de nos capes anti-gaz.

L’Avance est difficile car nous nous heurtons à des mines et des bouchons de résistance qui nous obligent à nous déployer,  ma section est en extrème pointe et nous avançons en éclaireurs répartis de chaque côté de la route,  nous pouvons voir accrochées aux haies des plaques « Danger Mine » avec une tête de mort et deux tibias entrecroisés.  La fatigue est immense et nous gardons pourtant toute notre attention car derrière nous il y a toute une brigade qui se fie à notre travail.  Mais,  depuis quelques temps les résistances ont faibli et nous dépassons une plaque qui nous indique « Honfleur 2 km ».   C’est à ce moment que j’entends courir et en me retournant je vois le lieutenant me faire signe de stopper :  réunion du QG,  il vient de recevoir par radio l’ordre de s’arrêter,  il a l’air très énervé,  je lui fait remarquer que nous avons dépassé la plaque indicatrice Honfleur 2 km ;  rien n’y fait et il donne aux chefs de sections l’ordre de s’établir sur l’axe de la route,  1e section sur la route,  la 2e à droite et la mienne,  la 3e à gauche.  Ordre de creuser des trous individuels... Je me permets de lui faire observer que les ennemis,  dans leur hâte de battre en retraite,  n’ont pas trouvé le temps d’enlever les plaques « Danger Mine ».

Il n’en tient aucun compte et je lui dis alors qu’il transmette l’ordre lui-même,  pour ma part je ne veux pas assister à une boucherie,  d’autant plus que dans quelques minutes l’ordre de reprendre la progression va nous parvenir.  Réponse du lieutenant furieux : « On se retrouvera Dufrane »,  je suis à sa disposition,  je sais que je risque le conseil de guerre pour refus de transmettre un ordre devant l’ennemi.  Par après,
je dois admettre que le lieutenant devait se soumettre aux ordres donnés par l’état-major.  Ma section n’a pas attendu et se trouve de l’autre côté de la haie,  je m’entretiens avec mon camarade Eugène Lauwereins et lui demande une cigarette.

A peine l’ai-je allumée qu’une formidable explosion se produit et justement de mon côté...  Je saute la haie,  des débris retombent encore,  cailloux,  terre,  etc... mes types sont au complet,  mais l’un d’eux m’indique plus vers la gauche et en effet j’aperçois encore de la fumée qui monte d’un trou.  Sans réfléchir j’avance et je vois un corps affreusement mutilé couché sur le rebord n’ayant plus ni jambes ni bras et à moitié calciné.  Au premier abord je ne le reconnais pas mais d’autres arrivent et j’entends dire que c’est Van den Abbele,  homme de liaison du lieutenant,  le cycliste du peloton.
Il s’était fâché dit-on devant un ordre aussi notoirement idiot et s’était avancé pelle en main,  avait frappé le sol avec rage et ce qui devait arriver... arriva !!!  Je vois le lieutenant revenir vers nous et saluer les restes que l’on avait mis dans un sac à patates.

A cet instant le radio survient et annonce la reprise de la progression,  je vis rouge... et aujourd’hui je remercie mes camarades qui sont intervenus pour m’empêcher de sauter à la gorge du lieutenant,  qui finalement n’était pas responsable de cet accident stupide.
Encore un de parti,  avec qui nous avions vécu,  monté des gardes,  sorti,  bu des verres de bière ;  c’était un camarade,  un bon copain.  Les gens de Pennedepie,  hameau de Honfleur,  lui ont fait des funérailles dignes de lui et il repose aujourd’hui encore dans le petit cimetière Normand qui domine la mer,  dans le calme,  la brise marine que nous connaissons si bien le berçant de son murmure.  Je lui ai fait visite il y a quelques années,  sa tombe était entretenue d’une façon parfaite !

Le lieutenant avait fait que suivre les ordres d’en haut,  plusieurs années après,  nous nous sommes réconciliés à l’occasion d’une réunion des hommes du 5e peloton qui fut organisée en 1961 au « Café des Boulevards » à Bruxelles.

 

 

Eglise et cimetière à Pennedepie où repose Raymond Van den Abbele.

 

« Souvenirs de guerre 1940-1945 »
par Pierre Dufrane
fait à St. Nicolas Waas le 7 février 1973.

 

 

mise en page par Didier Dufrane