JACOBS Georges - Lt - Mat 42120

1ère Compagnie - 3ème Peloton

 

Lt Georges Jacobs
1ère Compagnie – 3e Peloton d'Assaut
Matricule : 42120

Déjà jeune officier d’infanterie à l’armée belge en 1940, il fut grièvement blessé en mai au cours d’une action d’arrière-garde.  Cette blessure lui permit d’échapper à la captivité en Allemagne.  Il s’enfuit de l’hôpital avant guérison et il fait le chemin classique sur la Grande-Bretagne,  via la France et l’Espagne.  Il fut de ceux que la malchance envoya pour plusieurs mois au camp de Miranda,  où il faillit périr de maladie et de dénuement.  C’est en 1942 qu’il arriva enfin en Angleterre.  Il fut désigné à la 1e compagnie indépendante du major Wintergroen où il prenait le commandement d’un peloton d’assaut,  il en fut le chef,  aimé et admiré par ses hommes.


Penybont (GB) le 16/9/1942
de gauche à droite : Capt. Dekinder, Lt Saussez et Lt Jacobs

 

3e PELOTON D’ASSAUT

 

"VERS LA TOUQUES"

 

A la côte,  la compagnie Wintergroen est à l’avant-garde.  Entre la Dives et la Touques,  tous les itinéraires sur lesquels vont s’engager les unités de la 6e division aéroportée,  seront reconnus par l’escadron d’autos blindées avec l’éclat particulier de Dewandre à Branville.  Enfin,  à Pont-L’Evêque,  la Troop One qui,  depuis que Sauvage a été blessé est commandée par Floridor,  aura l’honneur d’essuyer les premiers coup de feu.

La Dives était à peine franchie que dans la foulée,  au départ d’Houlgate,  Wintergroen pousse son extrême pointe au Château Fouchet de Carel,  sur la butte de Chaumont. Cette extrême pointe n’est autre que la « Scout Section » d’Emile Roelants,  ce jeune officier au menton volontaire qui a le privilège d’entendre parfaitement l’espagnol, ce qui lui a permis d’instruire les volontaires venant d’Amérique du Sud.  Il est secondé par deux chefs d’équipages,  adroits : Reniers et BenoîtThielemans joue aux chiens de berger sur sa motocyclette B.S.A.,  la « Sten » en bandouillère.  Et dans les chenillettes,  le doigt sur la détente des Bren :  Sanders,  Drion,  Pittors,  Liégeois, Destrebecq,  Provost,  Peere,  Piette et Stevens.

Derrière eux,  suit la « pointe » :  le 3e peloton d’assaut de Georges Jacobs dit « Gorget ».  Un jour,  celui de sa remise de commandement à Marcel de Posch, à Oelde,  en Westphalie occupée,  Jean Piron dira en le présentant à son successeur :
« Marcel,  voici l’officier le plus sale de ma brigade,  mais le plus brave ! ».
Jacobs est indéniablement un « baroudeur ».  Que n’a-t-il pas fait ?  On le disait vétéran des brigades internationales de la guerre civile espagnole.  Chi lo sa ?  Il était le fils d’un officier supérieur et avait gagné ses étoiles au 13e Régiment de Ligne,  à Namur.

La section de pointe est commandée par le sergent Hippolyte Degroote,  un vieux de Tenby,  âgé de trente-cinq ans.  Il a l’âge de raison comme le caporal Maurice Betbeze qui en a 31.  Les autres sont des « jeunes » comme François Beckaert,  le frère de Michel qui est au 2e peloton.  Lucien Jadon,  Jean Maîtrejean alias Mytenhaus et le très utile tireur-mortier : Pierre Gurhem et Jean-Baptiste De Boeck.
D’autre part,  Georges Jacobs sait qu’il peut compter sur les mortiers lourds de Hiernaux et les mitrailleuses de Dolf MattonJosé Schmitz est derrière lui avec son peloton,  prêt à lui venir en aide et il a de bonnes liaisons avec le Père Wintergroen grâce à l’efficacité du grand Fassin.

 

« LA CRETE D’AUBERVILLE »

 

Conduit par des résistants français de Houlgate,  Dauvilaire et Lefèvre,  le peloton se glisse de la ferme Chagnet à la ferme de Tolleville jusqu’à la crête.  Georges Jacobs s’applique le laringuophone du poste 38 et annonce : « Points forts,  vergers ouest carrefour d’Auberville ».  Il est 16 heures 45.  Wintergroen ne veut pas de casse.  Il leur conseille de tenir où ils sont et d’attendre.  La nuit tombe.  Pourquoi ne pas essayer ?  Mais la « Spandau » allemande crépite comme un ignoble moulin à café : six hommes sont fauchés.  Maîtrejean n’est que blessé et le résistant Dauvilaire court prévenir le major Wintergroen qui est à sa place,  là,  derrière la pointe,  avec
son petit groupe de commandement.

Le Père Dethise,  l’aumônier de la compagnie, a entendu la conversation.  Il jette l’éternelle cigarette qu’il a au coin des lèvres,  épingle son brassard à Croix-rouge sur le devant de son « battle-dress » et court vers les blessés.  Mais les « boches » tirent au mortier lourd.  Un affreux craquement,  des éclats mortels dans toutes les directions,  le « chaplain » s’écroule à son tour.  Chacun l’a cru mort mais aujourd’hui le Padre Dethise a rejoint son Ile Maurice où il exerce paisiblement son ministère.

Wintergroen se retourne vers son F.O.O. (Forward Observation Officer ou commandant de la batterie d’artillerie en appui direct) :  il faut que les vingt-cinq livres s’en mêlent... Le « Roger out » (« Bien compris,  je coupe ») du réglage est à peine transmis que,  comme un train filant dans la nuit,  le chuintemement des projectiles qui strient l’air,  déchire le ciel normand.  Les Allemands ont du se rendre compte que « ça tombait sur la crête d’Auberville ».

Pendant qu’ils se terrent dans leurs trous, Georges Jacobs prend ses responsabilités. Son peloton reste en base de feu.  Et lui,  seul,  comme à Teruel peut-être,  les poches pleines de grenades,  il contourne l’objectif,  dégoupille ses « Mills » et les lance une à une pour faire taire les « Spandau ».  Il n’est que 2 heures 45 quand Jacobs relayé par Fassin annonce officiellement dans le réseau radio qu’il occupe la crête d’Auberville.  Dans l’après-midi du même jour,  on entrait dans Deauville.

 

 

 

 


Hommage à Georges Jacobs

 
Georges Jacobs vient de s’éteindre paisiblement à Bruxelles,  à l’âge de 82 ans, après une courte maladie.  Il fut un chef exemplaire,  aimé et admiré,  depuis la Normandie jusqu’à la fin de nos opérations sur le Canal de Wessem. 
En décembre 1944 je le retrouvai au 1e Bataillon de la brigade réorganisée ;  il y commandait la compagnie B et moi la compagnie A. J’ai écrit ailleurs que Georges Jacobs était le plus généreux,  le plus idéaliste et le plus téméraire d’entre nous.  Le mot de héros a été galvaudé.  L’héros est celui ou celle qui au péril de sa vie va dans ses actions bien au-delà des exigences du devoir.
Il y a eu,  dans la brigade Libération et parmi tous les évadés,  une grande majorité de braves.  Les héros furent moins nombreux :  Georges Jacobs en était.  Il en donna de multiples preuves en Normandie,  dans le Limbourg belge et en Hollande.
Dédaigneux de sa propre sécurité il se montra par contre continuellement ménager de la vie de ses soldats et soucieux de leur bien-être.
Cet officier de carrière,  fils de général,  manifesta toujours un mépris de toutes les conventions et de toutes les hiérarchies.  Il ne reconnaissait comme chefs que ceux qu’il estimait et il le faisait bien savoir.  Anti-conformiste et idéaliste jusqu’à la fin de ses jours il ne cacha jamais sa sensibilité d’extrême-gauche,  de tendance libertaire et son refus de tous les totalitarismes.  A près de 80 ans il participait encore à des manifestations pour le respect des droits de l’homme. 
Georges a voulu, "a exigé" que son décès ne donne lieu à aucune cérémonie et que son incinération se passe dans la plus stricte intimité familiale et amicale,  sans délégation officielle et sans pompe.  Ainsi fut-il fait.
Son souvenir restera longtemps cher à beaucoup.  En l’évoquant je ne puis m’empêcher de citer les deux premiers vers d’un très beau chant allemand :

« J’avais un camarade – un meilleur on n’en trouve pas »

11 février 1995
Jacques Wanty.

 

Extraits
« 1944 Des Belges en Normandie »
« Des Hommes Oubliés »
par Guy Weber
« Bulletin d’information Brigade Piron – mars 1995 »

 

mise en page par Didier Dufrane